Thomas Deprez

Thomas Deprez: « Tout le monde a droit à la qualité muséale »

Pour la première fois, Thomas Deprez participe à la TEFAF de Maastricht, dans la section Showcase pour être plus précis. Mais pas uniquement : ce spécialiste bruxellois de l’art fin-de-siècle nourrit de grandes ambitions. « La BRAFA était un match à domicile pour moi, TEFAF constitue la Ligue des Champions des passionnés d’art. »

TEXTE: Thijs De Meulemeester PORTRAIT: Alexander d’Hiet

Ce mois-ci, le rêve deviendra réalité pour Thomas Deprez, qui participe pour la première fois à la TEFAF de Maastricht, à ce jour le plus grand salon d’art et d’antiquités du monde. Ce jeune marchand, spécialisé dans la peinture, les œuvres sur papier, la sculpture et le mobilier de la fin du XIXe siècle, s’y prépare depuis l’automne dernier. Dans cette section, dix marchands, à la tête de leur propre enseigne depuis entre 3 et 10 ans, disposent d’un mini-stand pour présenter leur spécialité à la clientèle de la TEFAF, triée sur le volet. La Belgique y est, cette fois, le plus représenté de tous les pays, avec en sus, comme autres sélectionnés, Edouard Simoens (art moderne) de Knokke et le marchand bruxellois Pelgrims de Bigard (art des XVe au XVIIe siècles). La TEFAF constitue, pour Thomas Deprez comme pour d’autres, un échelon crucial, sans compter qu’il vient juste de participer à la BRAFA. Proposer, un mois et demi plus tard, une marchandise du plus haut niveau de qualité, fut une gageure pour le jeune antiquaire, dont la participation à la BRAFA fut très remarquée. Son nom y était sur toutes les lèvres grâce à un exceptionnel triptyque de 1895 du peintre symboliste belge Emile Fabry exposé sur son stand. Après plus d’un siècle, il a réussi à réunir ces trois œuvres mythologiques, même si, par leur thématique, leur format et leur esthétique singulière, celles-ci ne sont peut-être pas vendables sur-le-champ. Ce dont Thomas Deprez n’a cure : « Il s’agit d’une pièce de haut niveau, qui a sa place dans un musée. Je suis donc convaincu qu’elle ira dans de bonnes mains. » Que vous aimiez ou non cette œuvre de Fabry, réunir ses trois parties dispersées constitue un coup d’éclat en termes d’histoire de l’art. La question se pose donc de savoir pourquoi il n’a pas réservé cette ‘‘première mondiale’’ pour la foire de Maastricht : « Avez-vous examiné ces panneaux de près ? Ils mesurent 2,5 mètres de haut. Il me faut donc un mur de huit mètres de largeur pour les présenter tous les trois. Ces œuvres ne tiennent pas sur le stand dont je dispose à la TEFAF. A la BRAFA, je jouais à domicile. Et un chef-d’œuvre d’un symboliste belge s’y inscrit parfaitement. La TEFAF, c’est la Ligue des Champions des vrais amateurs d’art. J’ai l’impression que je m’y sentirai aussi chez moi. »

Frisson

Thomas Deprez habite dans un majestueux appartement néoclassique, au Sablon à Bruxelles. Lorsqu’on visite les lieux, on remarque la manière pittoresque dont l’église du Sablon se voit à travers de hautes fenêtres. Le jeune marchand nous reçoit à bras ouverts, mais s’excuse d’emblée pour le désordre ambiant : nombre d’œuvres ne sont pas encore encadrées ou attendent d’être restaurées pour la TEFAF : « L’année a commencé sur les chapeaux de roues. Si j’avais su qu’il s’agissait d’un tel marathon, j’aurais peut-être supprimé une étape de ma liste. En six mois, participer au Brussels Art Square, à Art On Paper, à Antica Namur, à la BRAFA et à la TEFAF, c’est de la folie. » S’agit-il aussi d’un risque financier, compte tenu de la valeur du stock qu’il a dû constituer ? « Je ne considère pas ce stock comme tel. Il s’agit plutôt d’argent qui dort. Et d’ailleurs, je prends ce risque depuis des années. Continuer à investir dans son propre stock fait partie du métier. Je ne qualifierais pas cela de dépendance, mais plutôt de ‘‘frisson’’ de la chasse. » Comment Thomas Deprez choisit-il les œuvres à montrer à la BRAFA ou à la TEFAF, format et belgitude mis à part ? « La TEFAF est une foire pour présenter les trésors historiques de l’art. Il ne s’agit pas ici du côté sexy ou décoratif des œuvres, mais de leur qualité et de leur rareté. Vous y trouverez peu d’art d’investissement pur, des œuvres passe-partout qu’il ne s’agit pas forcément de trouver belles, mais qui vous permettent de remplir un portefeuille d’investissement. Cet art d’investissement est comparable à une Rolex : tout le monde la reconnaît, sait qu’elle coûte cher et sait ce qu’elle pourrait rapport à terme. La TEFAF, c’est bien plus que cela. Tout s’articule autour de trophées, dits intelligents, à destination de connaisseurs : des chefs-d’œuvre inconnus de qualité muséale. »