Jane Graverol

L’envol de Graverol

Jane Graverol a connu, ces dernières années, une envolée sur le marché aussi soudaine que spectaculaire. L’artiste, associée au mouvement surréaliste, a eu une carrière longue et une œuvre diverse qui reste encore à découvrir.

TEXTE: Gilles Bechet

Une femme peintre surréaliste ? Le premier nom qui viendrait aujourd’hui à l’esprit est celui de la Belge Jane Graverol. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Décédée en 1984 à l’âge de 79 ans, l’artiste eut une longue et confidentielle carrière entamée par une première exposition en 1927. C’est en 1949 qu’elle rencontrait le groupe surréaliste, avec qui elle expose entre autres à la Galerie Lou Cosyn. Longtemps restée dans l’ombre et appréciée de quelques spécialistes, elle touchera un plus large public, notamment avec l’exposition qui lui sera consacrée au Rouge-Cloïtre en 2017 et une autre abordant le surréalisme au féminin au musée de Montmartre en 2023, dont une de ses toiles Le Sacre du printemps occupait l’affiche. Sur le marché aussi, on a vu ces dernières années un engouement rare pour son œuvre, ou du moins une partie. C’est en 2023 que les ventes se sont emballées pour atteindre des sommets inattendus. Après avoir consacré deux ventes à Londres aux artistes moins en vue du mouvement surréaliste, Bonhams organisait la troisième à Paris. Pour cette édition, Christine de Schaetzen, responsable du bureau bruxellois, avait envie de mettre en avant des artistes belges et contacté différents collectionneurs pour voir s’ils avaient des choses à proposer : « J’ai vu arriver un couple avec un tableau de Jane Graverol qu’ils avaient acheté à la salle de vente du palais des Beaux-Arts, dans les années 1970. J’ai pris l’œuvre avec une estimation de 30.000 euros, alors qu’à l’époque la cote de l’artiste était plutôt dans les 10.000 euros. C’était Le Trait de lumière. » Les enchères ont très vite monté jusqu’à 200.000 euros, avec des enchérisseurs d’un peu partout. Le dernier arbitrage s’est fait entre un collectionneur d’Asie et un collectionneur américain qui recherchait des artistes femmes surréalistes. La toile fut alors adjugée 579.975 euros (frais inclus), ce qui correspond à un bond de 1189 % par rapport à l’estimation. « Ce qui était le résultat d’un hasard et d’un vrai coup de cœur a donné, par la visibilité d’une maison de vente internationale, de l’écho à une artiste jusque-là confidentielle », remarque Augutin Nounckele, de la Galerie Retelet, à Monaco. Quelques semaines plus tard, toujours chez Bonhams, une autre toile, La chute de Babylone, atteignait un prix équivalent.

SORTIE DE L’OMBRE

Les engouements soudain sont toujours des surprises. Dans le cas de Jane Graverol, il y a sans doute quelques explications.